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Vu d'Italie “Ne pas être traités moins bien que les Coréens”

28 luglio 2017

Intervista a Sandro Gozi, Sottosegretario per le Politiche e gli Affari Europei, a Liberation.

Vu d'Italie “Ne pas être traités moins bien que les Coréens”. Après la volonté de Paris d'annuler l'accord favorable à Fincantieri, les Italiens vont jusqu'à remettre en cause l'amitié entre les deux pays.

“Claque française”. La une du Huffington Post italien résume le sentiment diffus dans la péninsule. L'affront français a été repris par toute la presse transalpine dès l'annonce, jeudi après-midi, du ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, de nationaliser les chantiers navals STX de Saint-Nazaire. Un premier accord avec le gouvernement de François Hollande prévoyait pourtant le contrôle de deux tiers du capital du site de Loire-Atlantique par des Italiens, dont Fincantieri, le numéro 1 de la construction navale en Europe et seul candidat repreneur.

En annonçant la décision française “d'exercer le droit de préemption de l’Etat sur STX” après l'échec des discussions avec le groupe italien, Bruno Le Maire a plaidé “les intérêts stratégiques de la France” et dit vouloir se “donner le temps de négocier dans les meilleures conditions possible”. Pour le moment, les meilleures conditions ne semblent pas être réunies. Le locataire de Bercy se rendra certes à Rome mardi pour rencontrer ses “amis” italiens, les ministres du Développement économique, Carlo Calenda, et de l'Economie et des Finances, Pier Carlo Padoan. Mais ils ne seront pas forcément de très bonne humeur. Padoan a certes affirmé mercredi être “disponible pour une discussion avec les Français”, mais a quand même précisé illico qu'il n'y avait pas de “raisons pour lesquelles Fincantieri doive renoncer au contrôle de STX”. Le ministre français a beau dire qu'il entend “bâtir un projet industriel européen solide et ambitieux” et que les chantiers n'ont “pas vocation à rester sous le contrôle de l'Etat”, il ne peut pas s'empêcher de glisser une perfidie: “Nous voulons avoir toutes les garanties que ces savoir-faire ne partiront pas un jour dans une autre grande puissance économique mondiale non européenne.” Allusion à peine voilée à la Chine, avec laquelle Fincantieri entretient des liens étroits.

Mal parti. “Nous nous attendions [à cette décision]”, a réagi pour Libération Sandro Gozi, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes auprès de la présidence du Conseil italien. “Nous attendons maintenant la proposition du gouvernement français”, a-t-il ajouté. C'est mal parti. Le principal intéressé, Fincantieri, a dit qu'il ne ferait aucun commentaire tant qu'il ne connaîtrait pas l'évolution de la situation d'ici la semaine prochaine. Mais son patron, Giuseppe Bono, lâche quand même: “Nous n'avons pas besoin de STX à tout prix. Nous sommes italiens et européens, or nous ne pouvons être traités moins bien que les Coréens”, revendeurs des parts voulues par les Italiens.
Rome et le groupe industriel ne semblent donc pas près d'infléchir leur position. Ils s'en tiennent à l'accord passé sous le quinquennat de François Hollande. Selon le projet initial, le constructeur transalpin devait reprendre d'abord 48% du capital des chantiers et rester minoritaire pendant au moins huit ans, épaulé par l'investisseur italien Fondazione CR Trieste à hauteur d'environ 7%. Les actionnaires français ne disposaient que de 45% du groupe. Voilà que l'élection d'Emmanuel Macron a tout changé. Le nouveau président a demandé, le 31 mai, que cet accord “soit revu” pour préserver les intérêts français.

Point de départ délicat, la discussion a commencé avec un ultimatum, rejeté par les autorités italiennes, d'accepter “un contrôle à 50-50” des chantiers de Saint-Nazaire entre Fincantieri et les actionnaires français. Avec une petite menace en passant : “Si jamais nos amis italiens refusent la proposition honnête qui leur est faite, l'Etat exercera son droit de préemption”, en rachetant “les parts” que le groupe italien devait acquérir. Une menace d'ailleurs mise à exécution quelques heures plus tard.

“Ouvrir les yeux”. “Les chantiers de Saint-Nazaire sont un outil industriel unique en France”, a argumenté Bruno Le Maire. “Nous voulions donc garantir aux salariés, mais aussi à la région, aux clients, aux sous-traitants, à tous les Français, que les compétences exceptionnelles des chantiers en termes de construction resteront en France.” “Bien que nous comprenions les préoccupations sur les places de travail et les marges de profit, l'accord initial garantissait l'emploi et le développement des chantiers”, rétorque Sandro Gozi. “C'était un accord win-win.” Le secrétaire d'Etat italien chargé des Affaires européennes regrette pour sa part l'occasion manquée, pour l'heure, de “créer un champion dans les secteurs naval et de la défense”, bénéfique à “l'Italie, à la France et à l'Europe”.

Le regard italien sur la France a changé. “Nous devons ouvrir les yeux sur Macron, a écrit mercredi l'écrivain et essayiste italien Massimo Nava dans les colonnes du quotidien Corriere della Sera. Après l'overdose d'applaudissements qui a accompagné son élection, il y a une séquence de faits qui justifie déception et irritation.” D'abord l'invitation par le président français en début de semaine au château de La Celle-Saint-Cloud du Premier ministre libyen, Faïez el-Serraj, et du général Haftar, mal digérée par Rome. Macron “a voulu s'imposer comme le playmaker du processus de paix, renforçant le rôle du général par rapport au Premier ministre reconnu par l'ONU et interlocuteur privilégié de l'Italie”, poursuit le journaliste, Rome voulant être en première ligne dans le dossier libyen.

Autre point de friction, la position française sur l'immigration, notamment le refus de Paris d'ouvrir ses ports à l'accueil des migrants sauvés en mer Méditerranée, comme le réclament les autorités italiennes, ou encore celui de revoir le règlement de Dublin, qui impose au pays d'arrivée d'examiner les requêtes d'asile des personnes tout juste entrées sur son territoire.

“Le choc risque d'éteindre les attentes naissantes peut-être excessives sur la manière dont s'entend l'amitié entre nos deux pays”, lâche encore Massimo Nava. En visite à Rome jeudi, la ministre française chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a rejeté cette idée de tensions entre les deux voisins. Tout comme l'a fait son homologue italien, Sandro Gozi, qu'elle a rencontré en fin de matinée. Mais lui a quand même nuancé : “Il faut travailler ensemble pour éviter qu'il n'y ait des répercussions négatives.” Une petite menace?

Intervista di Antonino Galofaro

Fincantieri
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